3,7 euro. C’est le salaire horaire minimum à Hong Kong. Quand j’ai réalisé la différence entre Hong Kong et la France, ça m’a fait un petit choc. Et ça m’a rappelé que même si Hong Kong appartient à ce que mes professeurs d’histoire appelaient les « dragons asiatiques », le développement économique ne profite pas à tout le monde.
Quand j’étais à Hong Kong, en 2011, un violent débat a eu lieu sur la question d’un salaire minimum. Après des années de conflits et plus de 40h de débats, le Legislative Council a validé le très controversé Minimum Wage Ordinance, la loi sur le salaire minimum, présentée par le gouvernement comme une avancée majeure dans l’histoire économique du territoire. Il était fixé à 28 dollars hongkongais, soit 2,5 euro. Il a gagné 1,2 euro en quatre ans.
10% de la population concernée par un salaire minimum
La partie était pourtant loin d’être gagnée. En 2008, Donald Tsang, le Premier ministre de l’époque, se battait contre les chefs d’entreprises pour faire accepter l’idée d’un salaire minimum : « Les employés sont pourtant la principale force d’une entreprise. C’est dans l’intérêt des employeurs que de se préoccuper de leur bien-être financier et moral », s’énervait le Donald. Près de 315 000 personnes sont concernées par l’instauration de salaire minimum, soit 10% de la population, dont certains n’étaient payés que $2 de l’heure (moins de 0,20 euro). En sont exclus, en revanche, les quelque 300 000 helpers, des nounous et femmes de ménage à bas coût, que l’on trouve chez toutes les familles aisées. Elles viennent principalement des Philippines.
Il y a quatre ans, Hong Kong se dote donc d’un salaire minimum, certes, mais de l’un des plus bas parmi les pays développés. Au Japon voisin, le minimum salarial est d’un peu plus de 5 euro par heure. Il atteint les 6 euros aux États-Unis et il dépasse les 9 euro en France et en Belgique. Selon les syndicats, le montant légal ne suffira donc pas à couvrir les frais de vie courante pour de nombreuses familles.
Les emplois mal payés ne manquent pas, même à des heures avancées de la nuit ou tôt le matin…
L’économie la plus libre du monde
Du côté des employeurs, par contre, on ne décolère pas. De nombreux patrons affirment que le coût est trop élevé et qu’il conduira à des licenciements en série. Sans compter que c’est une remise en question de l’économie libre de Hong Kong. Exemple du capitalisme dans son plus bel appareil, le territoire a été labellisé l’économie « la plus libre du monde » depuis plus de 15 ans par le think tank américain The Heritage Foundation (la preuve qu’ils ont crié au loup : en 2015, Hong Kong occupe toujours la première place du classement !).
Avant même la mise en vigueur de la loi, de nombreux conflits ont éclaté entre employeurs et employés. Des patrons ont ainsi réécrit le contrat de leurs employés en supprimant les congés payés et les pauses déjeuner rémunérées, des avantages qui ne sont pas rendus obligatoires par la loi. Vous imagineriez la même chose en France ? Ce serait la révolution !
Mais à la base, le but du gouvernement, c’était d’apaiser les tensions sociales… qui augmentent en même temps que les inégalités. Le nombre de personnes vivant à Hong Kong sous le seuil de pauvreté a atteint le chiffre record de 1,26 million, soit près de 20% de la population. À côté de ça, le magazine Forbes a publié la liste de 40 milliardaires hongkongais, dont la richesse a progressé de 21% début 2011, capitalisant quelques HKD163milliards (un peu plus de 14,5 milliards d’euros). Selon un rapport de l’ONU, c’est à Hong Kong que le fossé entre les salaires les plus élevés et les salaires les plus bas est le plus important en Asie.
Hong Kong et la France ont beau être tout les deux considérés comme des pays développés, voyager permet de réaliser de quels acquis sociaux nous bénéficions. Hong Kong est une ville de paradoxes : d’un côté, elle est considérée comme l’une des meilleures villes du monde pour vivre, d’après The Economist. De l’autre côté, toute une partie de la population vit dans des espaces microscopiques. Les reportages photos sur ces pièces qui accueillent toute une famille ne manquent pas.
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1 Comment
Dure réalité. Des employeurs qui réduisent les avantages de leurs salariés. Impensable et pourtant.